Le 19 avril 1974, à l’ouverture des traditionnelles ostensions septennales de Limoges, la jeune association Renaissance du Vieux Limoges offrait aux habitants de la ville un spectacle disparu depuis plus d’un siècle : une procession de pénitents feuille-morte déroulait son austère beauté dans les rues de Limoges. Cette reconstitution historique faisait revivre l’époque où Limoges abritait plusieurs compagnies de pénitents. Depuis cette année 1974, la tradition s’est établie que les ostensions limougeaudes soit ainsi ouvertes par cette procession.

 

Petit historique sur les pénitents à Limoges

  Les confréries ou compagnies de pénitents étaient des groupements laïcs dont les membres portaient un costume spécial. Les confrères se soumettaient, dans l’exercice de leurs pratiques religieuses, à des pénitences particulières : prières et invocations à certains moments de la journées, jeûnes prolongés, mortifications diverses.

Ces associations se développent en Italie au XVe siècle, puis pénètrent dans le Sud de la France où elles connaissent une grande vogue, surtout au début du XVIe siècle.  Il faut arriver à la fin de ce siècle pour trouver des confréries de pénitents en Limousin, à Tulle d’abord, en 1590, et seulement huit ans après à Limoges.

Notre ville doit sa première compagnie à Bernard Bardon de Brun. Né à Limoges dans une des familles de la meilleure bourgeoisie du Château, il alla étudier le Droit à Toulouse. Là, il s’affilia à la compagnie des Pénitents Noirs de la ville. Revenu à Limoges, devenu avocat, il fonda, le 10 septembre 1598, une confrérie identique à celle qu’il avait découverte durant ses études, les Pénitents Noirs de la Sainte Croix.

Quelques années plus tard furent créées les compagnies des Pénitents Bleus de saint Jérôme, des Pénitents Blancs de saint Jean Baptiste et des Pénitents Gris de saint François. En 1619 fut fondée une nouvelle compagnie, celle des Pénitents de la Miséricorde, ou feuille-morte, sous l’invocation de sainte Madeleine. Enfin fut instituée en 1622 la compagnie des Pénitents Pourpres de la Charité. Chacune de ces associations étaient communément désignée d’après la couleur de leur tenue, le « sac » et la cagoule, noire, bleue, blanche, grise, beige ou rouge.

Ces six compagnies durèrent jusqu’à la Révolution. Encore aujourd’hui, plusieurs noms de rue à Limoges en gardent le souvenir : rue des Pénitents-Noirs, rue des Pénitents-Blancs et rue des Pénitents-Rouges.

Les pénitents feuille-morte

  Huit prêtres, Mathias Magnon, Léonard Fournier, Antoine Farne, Pardoux Rebière, Léonard Bélut, Léonard Baresge, Bernard Arasse et Jean Cheysson, et un bourgeois, Jean Lemoine, furent à l’origine de la compagnie des Pénitents de la Miséricorde, ou feuille-morte, placée sous l’invocation de sainte Marie-Madeleine.

La confrérie, ouverte à tous, installa sa « tribune », lieu de réunion, dans l’église Saint-Martial-de-Montjovis, élevée au lieu même où, en 994, les habitants atteints du mal des Ardents recouvrèrent la santé lors de l’ostension des reliques de saint Martial.

A la tête de la compagnie, il y a un recteur, assisté d’un vice recteur, un trésorier et son adjoint, un maître des cérémonies et son substitut, un messager chargé de porter les convocations et des portiers pour assurer la police des séances dans la « tribune ».

« Faisons pénitence et nous serons sauvés », telle est la maxime et la grande espérance du pénitent feuille-morte. En entrant dans la compagnie, il s’engage non seulement à prier chaque soir sainte Marie-Madeleine, mais aussi à participer, dans la « tribune » de la compagnie, chaque dimanche à l’office et à la messe lors des grandes fêtes et en de nombreuses autres occasions. Il participe bien sûr aux processions de la compagnie. Il rend visite aux confrères malades, les assiste dans leur agonie et les porte à leur dernière demeure. Il visite aussi les hôpitaux et les prisons pour y apporter aide spirituelle et matérielle. De plus, dans sa vie privée, il doit fuir les cabarets, les jeux de hasard, les blasphèmes et la luxure.

Comme toutes les autres confréries, les pénitents feuille-morte cessèrent toute activité après la publication du décret du 18 août 1792 supprimant toutes les congrégations religieuses, confréries et associations pieuses ou de charité. Recréée en 1804, la confrérie s’installa d’abord dans une chapelle de l’église Saint-Michel-des-Lions, puis, composée en majorité de bouchers, elle émigra quelques années plus tard dans la chapelle Saint-Aurélien.

Le dernier registre de la confrérie s’arrête en 1865 : il y avait à cette date 31 membres, qui cessèrent de se réunir.

La reconstitution historique de la procession

  Les objets de cette confrérie - croix, panonceaux, souches, etc., la plupart marquées de l’image de sainte Marie-Madeleine pénitente - sont toujours conservés dans la chapelle de la rue de la Boucherie : ce sont eux qui servent lors de la reconstitution historique organisée par Renaissance du Vieux Limoges. Les habits, sacs, cagoules, gants et ceinture de corde, ont été refaits à l’identique et quelques chapelets acquis.

  Tous les sept ans, le groupe anonyme part du mémorial de Montjovis, tout prés de l’endroit où s’élevaient, avant la Révolution, l’église paroissiale Saint-Martial-de-Montjovis et la « tribune » des pénitents feuille-morte. Il descend le faubourg Montjovis puis la rue Montmailler en chantant les hymnes traditionnels en latin et en s’arrêtant devant chaque niche de saint pour une invocation, également en latin, au personnage qui y est représenté. Puis, traversant la place Denis-Dussoubs, les participants gagnent, toujours en chantant, la rue de la Boucherie par la rue Adrien-Dubouché et la place de la Motte. Au haut de la rue, la confrérie Saint-Aurélien accueille les arrivants et les accompagne jusque dans la chapelle qui fut le dernier siège des pénitents feuille-morte. Une dernière invocation à saint Aurélien marque la fin de la reconstitution, qui attire un public nombreux formé de curieux et de croyants.

(Texte repris à partir de la publication de l’association Renaissance du Vieux Limoges, « Les confrères pénitents feuille-morte », Limoges, 1974)

 

Hymne à saint AurelienArrivée à la chapelle Saint Aurélien

Digne presul, pastor bone,
Lemovicarum patrone
Et munimen inclytum,
O sancte praesulum decus,
Quem Aureliane pecus
Novit ducem servidum
Qui, Martiale jubente,
In Christum flagranti mente
Luisti Lemovicas,
Ubi idolas subvertens,
Cunctum populum convertens,
Strasti coali semitas,
Tu vivens semper amasti
Et ab hoste conservasti
Gregem tibi creditum,
Hac preces funde pro grege
Ut vivat sub Christi lege
Per  virtutis meritum.
Ora pro nobis, beate Aureliane.
 

  Digne prince, bon pasteur, patron de Limoges et son illustre rempart, ô saint Aurélien que le troupeau a choisi pour chef sur l’ordre de saint Martial, tu es venu à Limoges, l’esprit enflammé par le Christ. Là, tu as renversé les idoles et converti la population convaincue. Lorsque tu vivais, tu as toujours aimé le troupeau qui t’était confié, le défendant contre l’Ennemi. Affermis ton peuple pour qu’il vive toujours sous la Loi du Christ, par les mérites de ses vertus.

Saint Aurélien, priez pour nous.

Un site propose une vision de la reconstitution 2009 :
silvousplaitmerci :

http://silvousplaitmerci.blogspot.com/2009/04/les-penitents-feuille-morte.html

Ci-dessous une video de la reconstitution de la procession du 18 mars 2016.